« Après l’armée, la police… » soupire avec anxiété un commissaire en songeant aux coupes budgétaires. Comme tous les ministères, l’Intérieur aussi doit se serrer la ceinture : pour la police, ce sera 110 M€ en moins pour finir l’année 2017 (90 M€ pour la gendarmerie).
« Le ministère de l’Intérieur va faire 526 M€ d’économies de fonctionnement, sans toucher aux effectifs de police et de gendarmerie », nous avait dévoilé le 10 juillet Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. On est encore loin des 850 M€ de rabot imposés à l’armée, mais cette première tranche d’économies de 110 M€ nourrit tout de même les craintes, y compris en haut.
« C’est 12 % de budget en moins, calcule Céline Berthon, secrétaire générale du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN, majoritaire). On a déjà connu des tentatives d’économies mais une annulation, comme ça en plein vol, c’est du jamais-vu. Alors qu’on est dans un contexte d’extrême tension, avec des surplus de missions, depuis les attentats, les manifestations, et la gestion d’un flux migratoire inédit… »
Les explications du directeur général de la police nationale, Jean-Marc Falcone, auditionné mardi par la commission des Finances de l’Assemblée nationale — avec Richard Lizurey, le patron de la gendarmerie –, n’ont pas suffi à rassurer les troupes. « On ne remet pas en cause la sécurité des fonctionnaires de police ni leur capacité opérationnelle », a pourtant affirmé le numéro un de la police devant des députés pour le moins dubitatifs, d’Eric Coquerel (FI) au centriste Charles de Courson en passant par Jean-Louis Bourlanges (MoDem).
Les plus épargnés sont les CRS, les services de protection, le Raid, le renseignement et Frontex, en charge du filtrage aux frontières. Remisés, en revanche, trois projets de construction de commissariats (Annemasse, Saint-André de la Réunion, Bourgoin-Jallieu), ainsi que des futures salles d’informations et de commandement.
Prêts de véhicules et pénurie de papier
Sur le terrain, la simple évocation de crédits en moins en fait s’étrangler plus d’un. On redoute que cela n’aggrave des situations déjà compliquées. Et le malaise que les policiers avaient exprimé en octobre n’est pas si loin. « Des unités police secours, les premiers à intervenir, se retrouvent sans voiture dans certains commissariats, alors les commissariats jonglent les uns avec les autres et se prêtent des véhicules », rapporte Gregory Goupil, du syndicat Alliance en Seine-Saint-Denis.
Sur une autre circonscription, ce sont les brigades anticriminalité qui se trouvent dépourvues de voitures. Les leurs sont cassées ou toujours au garage. « Ils se déplacent à pied ou prennent les voitures sérigraphiées de leurs collègues, quand il y en a », précise un commissaire. Et quand elles roulent, les voitures affichent souvent plus que les 200 000 km réglementaires.
Le système D demeure, jusque dans les détails du quotidien. « On garde les carnets publicitaires pour taper les procédures », se désole un gradé confronté à une pénurie de papier. Un autre évoque des locaux et des portails cassés : « C’est portes ouvertes, alors qu’on est en état d’urgence. »
« Ces économies vont encore se faire sentir en bout de chaîne », se désole un autre commissaire de banlieue. « Plus aucune dépense sans accord préalable », ont entendu des commissaires dans le nord de la France. Dans le Sud-Ouest, un commissaire a appris qu’il ne restait plus que 19 000 € par mois au lieu des 33 000 habituels pour les frais courants. « C’est avec ça qu’on paye l’essence », précise un fonctionnaire…
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