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Au Mexique, la famille du kidnappé kidnappe la famille du kidnappeur

L’Etat mexicain du Guerrero est miné par la violence des cartels : rapt, corruption… Pour se défendre, des milices citoyennes ont recours à certaines méthodes utilisées par les gangs.

L’histoire se passe dans l’Etat mexicain du Guerrero, un des épicentres de la production de cannabis et de pavot, où la guerre impliquant cartels de narcotrafiquants, organisations criminelles et forces de l’ordre est une macabre réalité quotidienne. Elle illustre tristement l’état du Mexique, dix ans après le début d’une « guerre contre la drogue » : l’effondrement total de l’état de droit, la corruption, les rapts, la violence omniprésente.
La ville de San Miguel Totolapan, ainsi que toute la région de Tierra Caliente, est terrorisée depuis des années par un groupe criminel appelé Los Tequileros, spécialisé dans le rapt de masse avec rançons à la clé. A sa tête, Raybel Jacobo de Almonte, alias El Tequilero, connu pour son penchant pour la boisson comme pour la brutalité. Sa marque de fabrique est de laisser « des sacs plastique noirs remplis de restes humains ». Ses cibles ne sont pas des familles riches qui auraient les moyens de payer, raconte le quotidien Milenio.

« Les personnes qu’il kidnappe sont des paysans. Il n’en tire pas beaucoup d’argent, mais si t’en as dix, tu peux avoir jusqu’à 100 000 pesos. »

Une vie contre une autre

Le 17 novembre, une trentaine d’habitants de San Miguel Totolapan sont enlevés par des hommes armés. Les proches alertent la police, qui lance une vaste recherche du gang soupçonné de se cacher dans les montagnes avec ses victimes. Les policiers tentent de rassurer les familles : El Tequilero est blessé, il ne tiendra pas longtemps.

Un mois plus tard, les policiers n’ont aucune piste, et les proches, aidés par des voisins tout aussi excédés, décident de prendre les armes. Ils forment une armée d’autodéfense, chose qui se multiplie depuis plusieurs années au Mexique, les habitants ne faisant plus confiance en une police considérée comme corrompue.

Mais le Grupo de autodefensa de vecinos de San Miguel Totolapan va un cran plus loin : il décide, lui, de kidnapper dix-huit personnes, dont des collaborateurs présumés du gang et la mère d’El Tequilero. Pour médiatiser et expliquer leur action, la milice citoyenne met des vidéos en ligne. Sur l’une, on voit Yadira Guillermo García, dont le mari a été enlevé par les tequileros. Elle s’adresse à leur chef en disant qu’ils ont sa mère et demande « un échange ».

« Contre la vie de mon époux, nous vous donnerons votre maman. Mais je le veux sain et sauf. »

Yadira Guillermo Garcia s’adresse aussi au gouverneur du Guerrero, Héctor Astudillo Flores :

« Tout ce qui arrive ici est de la responsabilité de monsieur le gouverneur, qui n’a jamais rien fait pour le peuple (…). Nous sommes fatigués, tout le monde est fatigué que l’on nous prenne des gens innocents. »

Dans une autre vidéo, des hommes armés posent, visages masqués, dans les rues de la ville et s’adressent autant aux criminels qu’aux autorités locales. Ils disent qu’ils ne peuvent plus rester spectateurs devant « tant de sang versé » :

« Nous ne voulons plus que notre ville et notre Etat soient un cimetière, un puits de larmes de veuves, d’orphelins et de mères qui perdent leurs enfants. »

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