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Bataclan : des familles de victimes demandent des comptes à l’Etat concernant l’ordre de non-intervention des militaires

« Je peux parfaitement comprendre que les familles veuillent en savoir davantage et veuillent comprendre et avoir toute la vérité », a réagi vendredi 8 juin Georges Fenech, le président de la commission d’enquête sur les attentats du 13 novembre 2015, alors qu’une trentaine de victimes ont annoncé vouloir déposer plainte contre X pour non-assistance à personne en péril. Huit militaires de l’opération Sentinelle, présents devant le Bataclan, ont reçu l’ordre de ne pas intervenir. Georges Fenech avoue, ce vendredi sur franceinfo, avoir été « remué » par certaines déclarations de la hiérarchie militaire.

franceinfo : Que pensez-vous de l’absence d’intervention de la force Sentinelle pourtant présente devant le Bataclan le soir du 13 novembre ?

Nous avons été (l’ensemble des parlementaires) très troublés par le récit qui nous en a été fait. Je rappelle simplement que se trouvaient devant le Bataclan, immédiatement, dès les premières minutes de la tuerie, des forces de police de la Bac 94, qui étaient démunies parce que non suffisamment armées face à des Kalachnikov, et elles se sont adressées aux huit militaires de la force Sentinelle qui étaient présents dès le début sur la voie publique pour faire de la surveillance et leur ont demandé d’engager le feu puisqu’il y avait l’un des trois terroristes qui était visible depuis le passage Saint-Pierre-Amelot où il rafalait à l’extérieur. Les militaires ont répondu très clairement qu’ils n’avaient pas d’ordre d’engager le feu. À ce moment-là, désemparés, les fonctionnaires de police se sont adressés au poste de commandement de la préfecture de police de Paris et l’ordre est arrivé immédiatement, il a été négatif : « Les militaires n’engagent pas le feu sur le territoire national, nous ne sommes pas en état de guerre ». Donc voyant cette position, les policiers vraiment désemparés ont demandé aux militaires de leur prêter leur Famas, et les militaires ont refusé bien sûr parce qu’ils n’avaient pas d’ordre et les militaires sont faits pour obéir aux ordres. Voilà ce que nous en savons, nous ne sommes pas allés plus loin dans cette direction parce que nous n’étions pas des juges d’instruction, c’était une commission d’enquête parlementaire. À l’heure où je vous parle, nous ne savons pas dans quelles circonstances les choses se sont passées. Rappelons quand même que les militaires sur le territoire national sont sous l’autorité civile, pas sous l’autorité militaire. Les militaires commandent les militaires à l’extérieur, mais quand on est en France, la force Sentinelle est sous la direction de l’autorité civile, c’est-à-dire du préfet de police, et donc in fine du ministre de l’Intérieur.

Donc c’est le ministre de l’Intérieur qui a donné l’ordre de ne pas intervenir ?

Je n’en sais strictement rien puisque nos investigations n’ont pas été jusque-là. Ce qui est certain c’est que l’ordre est arrivé du poste de crise, du poste de commandement de la préfecture de police de Paris, qui a estimé que la force Sentinelle n’était pas dans son rôle en engageant le feu sur le territoire national. Ça ne veut pas dire que la force Sentinelle est restée inactive, elle a sécurisé le périmètre, comme on dit, à l’extérieur du Bataclan. Mais malheureusement personne [n’est intervenu], si ce n’est le courage héroïque d’un commissaire de police, qu’on appellera X, qui tient à garder l’anonymat, qui est rentré avec son chauffeur dans l’établissement et qui a éliminé, neutralisé Samy Amimour qui était sur scène et qui s’apprêtait à abattre un otage, et à partir de là ça a provoqué un phénomène de sidération, il n’y a plus eu un seul mort. Donc moi je peux parfaitement comprendre que les familles veulent en savoir davantage et veulent comprendre et avoir toute la vérité sur les circonstances de ces ordres qui ont été donnés.

Quelle est votre conviction ?

Je ne veux pas répondre à cette question, elle est trop difficile et trop douloureuse. Je ne m’aventurerai pas là-dessus. Ce que je constate par contre c’est que les protocoles ont fortement évolué depuis le 13 novembre, depuis notre commission d’enquête, puisque la force militaire a ouvert le feu à la gare Saint-Charles de Marseille, aussi au musée du Louvre, à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Donc les choses ont évolué, les entrainements ont évolué, les protocoles ont évolué. Malheureusement, le 13 novembre la force Sentinelle n’a pas eu ce rôle plus actif qu’on aurait pu attendre d’elle.

Vous avez pu entendre la hiérarchie militaire. Comment s’explique-t-elle ?

J’ai procédé avec mes collègues à l’audition de la hiérarchie militaire et notamment du gouverneur militaire de Paris. Je ne vous cache pas qu’on a été un peu surpris également par certaines réponses, notamment lorsque le gouverneur militaire nous a dit, textuellement, « je n’envoie pas mes soldats dans une bouteille d’encre », ça nous avait un peu remués. Ça veut dire « je ne sais pas ce qui se passe à l’intérieur, je ne peux pas mettre en danger mes soldats ». On a été interpellés par cette réaction et je ne veux pas en dire plus. Mais bien sûr qu’il y a eu des failles. Nous n’étions pas prêts le 13 novembre. Qui pouvait imaginer un tel massacre en plein Paris dans un établissement comme ça ? Ce n’était pas possible. Donc il a fallu revoir entièrement nos protocoles. Et regardez ce qui s’est passé à Trèbes, là sans attendre l’intervention des forces d’élite, comme ça a été le cas au Bataclan où on a quand même dû attendre plus de 20 minutes et ensuite 2 heures et 20 minutes de progression dans l’établissement, là à Trèbes on est tout de suite intervenu.

Le 13 novembre, il y a eu une sidération des forces de police qui se sont senties, avec leurs fusils à pompe ou armes de poing, complètement démunies par rapport à ces terroristes qui avaient des armes lourdes. Et d’ailleurs maintenant on en a tiré les conséquences puisque dans tout le pays les Bac et les Psig de la gendarmerie sont aujourd’hui équipés d’armes lourdes, de casques, de boucliers, entraînés par le Raid et le GIGN à intervenir en moins de 20 minutes dans chaque coin du territoire national. Les choses ont fortement évolué, malheureusement nous n’étions pas équipés, formés, préparés, avec les protocoles qu’il fallait, lorsqu’a eu lieu l’attaque du 13 novembre.

Source : France info


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