Tout s’est passé en moins d’une journée. Quelques heures après l’exhumation mardi du clip « Pendez les blancs », du rappeur Nick Conrad, le parquet de Paris a ouvert une enquête, qu’il a confiée à la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP).
Dans ce clip ultra-violent de neuf minutes tourné à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis), le rappeur jusque-là totalement inconnu du public appelle notamment à « tuer des bébés blancs ». Sorti le 17 septembre mais resté jusque-là très peu partagé, le clip, repéré puis partagé par plusieurs comptes proches de la sphère identitaire sur les réseaux sociaux, a provoqué un déluge d’indignations politiques, de Bruno Retailleau (LR) à Marine Le Pen (RN), en passant par Jean-Luc Mélenchon.
5 ans de prison et 45 000 euros d’amende ? Seulement sur le papier…
Le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a condamné « sans réserve ces propos abjects », la maire (LR) de Noisy-le-Grand a annoncé son intention de déposer une plainte, et la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, rattachée au Premier ministre, a saisi le procureur de Paris pour « incitation à la haine raciale ».
A ce stade, le parquet de Paris a retenu le chef de « provocation publique à la commission d’un crime ou d’un délit ». Des faits passibles, selon l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, d’une peine maximale de 5 ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Mais dans ce type de dossiers, la jurisprudence est plutôt souple. « Les condamnations sont très légères, en général de simples amendes », nous explique Me Henri Leclerc, qui a traité nombre d’affaires de presse.
Nick prétend qu’il n’est pas raciste. En effet, il encourage simplement à pendre les Blancs en toute tranquillité.
En la matière, la relaxe par la cour d’appel de Versailles du rappeur Orelsan, poursuivi pour « provocation à la violence » contre les femmes, avait fait date, en 2016. L’arrêt de la Cour avait notamment estimé que les textes du rappeur (« Ferme ta gueule ou tu vas te faire marie-trintigner », en référence explicite au meurtre de l’actrice Marie Trintignant par son compagnon Bertrand Cantat ; « Je peux faire un enfant et te casser le nez sur un coup de tête », etc.) étaient « l’expression du malaise » d’une partie d’une génération.
« Que de la fiction »
« Sauf surprise, il est probable que le parquet décide de requalifier les faits en incitation à la haine raciale. Dans son clip, Nick Conrad ne cible aucun individu en particulier », analyse Me Saïd Harir, qui a notamment défendu le rappeur Jo Le Phéno, condamné à 2000 euros d’amende en 2017 pour un clip « anti-flics ».
Quoi qu’il en soit, en cas de renvoi devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les délits dits de presse, « tout l’enjeu des débats va consister à savoir si Nick Conrad a franchi les limites de la liberté d’expression, ou s’il s’est inscrit dans son rôle d’artiste », précise Saïd Harir, qui a également défendu plusieurs membres de la Mafia K’1 Fry.
Des arguments que Nick Conrad semble déjà avoir bien compris. « Dans mon clip, qui n’est que de la fiction, j’ai voulu inverser les rôles de l’homme blanc et de l’homme noir et proposer une perception différente de l’esclavage », s’est-il expliqué dans nos colonnes. Soulignant que le « choc était voulu », le rappeur dit s’être inspiré des « propos tenus par William Lynch, un Américain du XVIIIe siècle qui expliquait à l’époque comment bien dresser un nègre ».
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