Sur les 500.000 qui doivent retourner dans leur pays chaque année, seul un tiers repart réellement et seulement 20% lorsque les pays d’origine sont hors de l’Union Européenne.
La Cour des comptes européenne estime que le «manque d’efficacité» de la politique européenne pour garantir le retour des migrants en situation irrégulière dans leur pays d’origine «encourage» la migration irrégulière, dans un rapport publié lundi 13 septembre.
Sur les quelque 500.000 ressortissants de pays tiers qui reçoivent chaque année l’ordre de quitter l’UE parce qu’ils y sont entrés ou y séjournent sans autorisation, seul un tiers retourne effectivement dans leur pays d’origine ou de transit (par un retour volontaire ou forcé). Ce taux passe sous les 20% pour les retours vers des pays situés en dehors du continent européen.
« Le système de retour de l’UE encourage plus qu’il ne décourage la migration irrégulière »
Dans son rapport d’audit, qui porte sur la période allant de 2015 à la mi-2020, la Cour des comptes de l’UE juge que « les actions entreprises par l’UE en vue de renforcer la coopération avec les pays tiers en matière de réadmission étaient pertinentes, mais qu’elles (ont) donné peu de résultats ».
Pour Leo Brincat, le responsable du rapport, « le système de retour de l’UE pâtit d’un manque d’efficacité tel qu’il produit l’effet inverse de celui escompté : il encourage plus qu’il ne décourage la migration irrégulière ». «Les migrants savent bien que les retours ne sont pas effectifs, donc cela peut effectivement les encourager à venir», a-t-il déclaré lors d’un point presse.
Pour favoriser ces retours, l’UE a conclu depuis le début des années 2000 des accords de réadmission avec 18 pays tiers (dont Albanie, Bosnie, Serbie, Pakistan, Géorgie, Turquie, Bélarus), et ouvert des discussions avec six autres (Maroc, Algérie, Chine, Tunisie, Jordanie, Nigeria). Ces accords sont parallèles aux accords de réadmission bilatéraux conclus par les États membres.
L’UE a aussi négocié entre 2016 et 2018 six arrangements juridiquement non contraignants en matière de retour et réadmission (Afghanistan, Bangladesh, Guinée, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Gambie). Selon les auditeurs, ces arrangements non contraignants rencontrent plus de succès, grâce à leur caractère modulable.
Une politique de « carotte et bâton »
«Nous recommandons à la Commission (européenne) d’adopter une approche plus souple lors de la négociation d’accords de réadmission, de créer des synergies avec les États membres pour faciliter les négociations de réadmission, de renforcer les mesures incitatives pour les pays tiers et d’améliorer la collecte de données sur les réadmissions», indiquent-ils dans le rapport.
Ces mesures incitatives pour la réadmission doivent être une politique de «carotte et bâton», estime Leo Brincat. Les auditeurs notent que «parmi les nombreux outils dont dispose l’UE, un seul a donné des résultats tangibles: sa politique de visas, dont les dispositions révisées peuvent contribuer à encourager les pays tiers à coopérer».
Mais Leo Brincat a souligné que la situation au Bélarus – accusé par les Européens d’encourager les passages de migrants vers l’UE en représailles aux sanctions prises à son encontre du fait de la répression politique – montrait que «si la volonté politique manque, ou si le pays tiers décide d’instrumentaliser la migration, un accord de réadmission est de peu d’utilité».
Il a insisté sur le besoin de l’UE de parler «d’une seule voix» en la matière. Il a aussi jugé «inquiétant» que les pays de l’UE n’aient toujours pas réussi, six ans après la crise migratoire de 2015, à se mettre d’accord sur une réforme du système d’asile, et souhaité que cet audit «alimente le débat autour du nouveau pacte sur la migration et l’asile de l’UE» présenté par la Commission européenne en septembre 2020.
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