Il y a 50 000 ans, nos ancêtres néandertaliens utilisaient déjà l’acide salicylique et le penicillium pour soigner leurs maux. C’est ce que révèle l’analyse de la plaque dentaire de quatre dentitions de Néandertaliens découvertes en Belgique et en Espagne. Une découverte capitale pour les Européens, quand on sait que Néandertal a transmis 20% de son génome aux Européens et aux Asiatiques.
La plaque dentaire, une mine d’indices
Fabriquée par les bactéries buccales à partir des minéraux contenues dans notre salive, la plaque dentaire piège des morceaux d’aliments et des micro-organismes, conservant ainsi de précieux indices pour les archéologues. Le tartre préserve l’ADN, ce qui permet d’identifier les bactéries et parasites contenus dans la bouche de nos ancêtres, ainsi que les espèces de plantes et d’animaux qu’ils consommaient pour se nourrir… ou se soigner.
Dans une étude parue dans la revue Nature, une équipe de l’université d’Adélaïde (Australie) a étudié les dents de quatre hommes de Néandertal datant de 42.000 à 50.000 années. Les spécimens proviennent de deux sites : Spy, en Belgique, et El Sidrón en Espagne.
Aspirine et pénicilline
Dans la plaque dentaire d’un homme d’El Sidrón, les scientifique ont retrouvé de l’ADN de peuplier Populus trichocarpa, dont les bourgeons sont contiennent « des concentrations élevées d’anti-inflammatoires ou antalgiques, comme notamment la salicine », métabolisée en acide salicylique (aspirine) par notre foie, d’après Bastien Llamas, co-auteur de l’étude. Comme cette personne souffrait d’un abcès dentaire et d’un parasite intestinal (Enterocytozoon bieneusi), il est probable qu’il ait utilisé la plante pour soulager sa douleur, plutôt que pour se nourrir.
Les chercheurs ont également trouvé des traces de Penicillium, connu pour produire des molécules servant d’antibiotiques, ce qui suggère une utilisation de ce champignon pour traiter des infections à l’époque préhistorique.
« Apparemment, l’homme de Néandertal connaissait bien les plantes médicinales, leurs propriétés anti-inflammatoires et anti-douleur et semblent s’être automédiqués », s’entousiasme Alan Cooper, directeur du Centre Australien pour l’ADN ancien (ACAD) de l’Université d’Adélaïde.
Ces découvertes vont dans le sens d’une étude parue en 2012 qui suggérait déjà l’usage de plantes médicinales comme la camomille ou l’achillée millefeuille pour se soigner.
Des pharmaciens néandertaliens ?
La plupart des articles francophones et anglophones sur cette étude évoquent « l’automédication » de Néandertal, c’est à dire l’usage de « médicaments » hors avis médical, pour reprendre une définition communément admise. Pourtant, rien dans l’étude australienne ne dit si les individus ont consommé ces substances de leur initiative ou sur les conseils d’un spécialiste.
Nos ancêtres avaient une meilleure connaissance des plantes que nous, et le « Néandertalien moyen » était sans doute capable de distinguer de nombreuses espèces ou de se faire une petite tisane pour dormir, mais il n’est pas exclu que certains membres du groupe soient dotés d’un savoir supérieur en matière de médication.
Dans la plupart des sociétés traditionnelles, une petite fraction d’individus se spécialise dans la connaissance des plantes et soigne les autres membres du groupe. Sorciers, chamanes, guérisseurs, petites vieilles se transmettent depuis des millénaires l’art de reconnaître les plantes à cueillir, de les préparer (poudre, cuisson, infusions, cataplasmes, potions) et de les administrer à juste dose.
De là à imaginer que les Néandertaliens avaient des « pharmaciens » au savoir mêlé de croyances magiques et de connaissances empiriques, il n’y a qu’un pas.
Le vrai régime paléo dévoilé
L’étude a également mis en évidence des différences notables de régime alimentaire. Les spécimens de Spy en Belgique avaient un régime carné : ils consommaient beaucoup de rhinocéros laineux et de mouflons. Les Néandertaliens d’Espagne avaient quant à eux une alimentation plus végétale et étaient friands de pignons de pin, champignons et mousses.
Pour en savoir plus, consultez le résumé de l’étude et le dossier complémentaire fourni par Nature.
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