« Il n’y a pas de règles dans la mode. » Le message, signé H&M, a été lancé dans une récente pub mondiale du géant suédois pour le recyclage des vêtements. Pour la première fois, à l’injonction « soyez chic », apparaît une jeune femme musulmane dont les cheveux et le cou sont recouverts d’un foulard. « Nos collections permettent à chacun d’habiller sa personnalité mais n’encouragent pas un choix de mode de vie en particulier », esquive la marque populaire.
H&M est loin d’être la seule enseigne à lorgner sur ce marché de la mode appelée — précautionneusement— « pudique ». Après la firme japonaise Uniqlo qui a annoncé la mise en vente de hidjabs (voiles islamiques) dans son magasin de Londres, c’est à Marks & Spencer de se jeter à l’eau. Des maillots de bain couvrant l’intégralité du corps de la femme, excepté le visage, les mains et les pieds, sont désormais proposés par la chaîne de magasins britannique.
Pour 62,95 €, vous pouvez commander sur son site un burkini, forme contractée de « burqa » et de « bikini », noir ou bleu fleuri. Un signe d’ouverture, a fait savoir la marque, qui n’a pas empêché les réactions indignées de se propager sur Internet.
En France aussi, où l’on peut se procurer ces vêtements, le débat fait des remous. Et pour cause, note le sociologue de la mode Frédéric Monneyron : « On assiste à un véritable tournant. Que des grandes marques s’intéressent au marché du Moyen-Orient, cela existe depuis les années 1970. Elles lui ont toujours proposé des vêtements en les modifiant à la marge. La grande nouveauté est que, pour la première fois, elles créent des tenues islamiques. Il y a bien sûr un enjeu idéologique et financier. On peut s’imaginer que son développement n’en est qu’au début », décrypte ce spécialiste du luxe. Les chiffres ont de quoi donner des idées à des enseignes en quête d’un nouveau souffle : en 2019, le marché musulman devrait représenter une manne de 500 Mds$ (443 Mds€), presque deux fois plus qu’en 2013.
Est-ce ce qui a poussé la tonitruante maison catho italienne de luxe Dolce & Gabbana ? En baptisant sa nouvelle ligne Abayas, elle a été claire sur son intention de se positionner sur ce marché de la mode islamique.
Sa collection est composée de quatorze pièces d’abayas (robes longues musulmanes) et de hidjabs. Sur les tenues couvrantes, des broderies et des fleurs à la milanaise marquent un saisissant contraste.
Dans la plupart des maisons de couture, on refuse de commenter ce sujet visiblement tabou.
Karl Lagerfeld, Jean Paul Gaultier, Jean-Charles de Castelbajac… tous ont refusé de nous répondre. « C’est délicat, concède la créatrice Agnès b. Faire ce type de vêtement va au-delà de la consommation ou de la mode. C’est toucher au politique et au religieux. » « Moi, je n’en ferai jamais. Il y a un côté obscène à proposer des tenues pour des femmes riches dans des pays où certaines fuient les bombes avec leur voile de fortune sur la tête », reprend-elle. L’enjeu, pour cette figure de la mode : « Ne pas banaliser un vêtement qui, quoi qu’on en pense, n’est pas anodin pour l’image de la femme. »
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