Au cours des dernières semaines, de nombreux Somaliens se sont posés une question importante: après près de 60 ans d’indépendance, pourquoi avoir besoin d’un « Blanc » – un muzungu ou saan-cadde comme on dit – pour jouer le baby-sitter et diriger la banque centrale, une entité somalienne souveraine?
Si les informations sont exactes, un britannique devrait être nommé à la tête de la Banque centrale du pays. Cela crée un dangereux précédent. Pourquoi alors ne pas laisser les Européens diriger nos ministères, nos forces armées ou même pourquoi ne pas avoir un chef d’État européen ?
L’insultante justification d’une telle démarche est qu’il était impossible de trouver un gouverneur qualifié d’origine somalienne, ce qui n’est pas vrai. En réalité 146 personnes ont posé leur candidature au poste, dont la quasi-totalité sont des Somaliens et des Somaliennes. Parmi eux se trouvaient des personnalités de haut calibre : anciens ministres, anciens cadres de la Banque centrale de Somalie et experts somaliens d’institutions financières internationales. Le processus de sélection initial a été délégué à une femme britannique, Fiona Davies (déléguée à la Banque mondiale et membre du Comité de gouvernance financière) et son associée. Au bout de quelques mois, Fiona et ses acolytes ont réduit cette liste à 16 personnes, dont 11 candidats somaliens et les autres non somaliens. À l’époque, personne n’avait prêté une grande attention à l’inclusion des étrangers, car la loi sur la Banque centrale (article 12) de Somalie interdisait explicitement aux non-Somaliens d’occuper ce poste. Des entretiens ont ensuite eu lieu à la mi-décembre et le comité a encore réduit la liste à six ou sept personnes.
Le 29 décembre 2018, lors d’une réunion du cabinet, le ministre Beyle a déposé un amendement à la loi sur la Banque centrale de Somalie, notamment l’article 12 qui permettrait d’ouvrir le poste à un non somalien. La plupart des membres du gouvernement a désapprouvé l’amendement, mais le Premier ministre est intervenu et a souligné la nécessité de gagner la confiance de la communauté des donateurs et d’attirer les investissements étrangers. Les dirigeants ont alors décidé d’agir rapidement et de faire adopter l’amendement par le Parlement.
Nous avons ici un cas sans précédent bafouant la légalité et l’équité. Une procédure de recrutement a été menée sur plusieurs mois. A son terme, une loi de la République fédérale de Somalie est en train d’être modifiée pour permettre un résultat décidé à l’avance. Pour un État qui aspire à la démocratie, il s’agit d’un précédent préoccupant. Les lois existantes ne peuvent être modifiées arbitrairement à la demande de l’exécutif. Cette volonté exprime la détermination du gouvernement à confier la Banque centrale à un étranger. Il préférerait modifier une loi impliquant l’approbation du Cabinet, puis du Parlement, puis du président, plutôt que de nommer un compatriote somalien.
Une croyance erronée voudrait que pour attirer les investissements étrangers directs ou gagner la «confiance» des donateurs, il faudrait installer quelqu’un qui leur ressemble. Certes, de nombreux étrangers ne font pas confiance aux Somaliens pour gérer leurs propres affaires, mais pourquoi le gouvernement lui-même ne fait-il pas confiance aux Somaliens pour gérer la Somalie? Pourtant, les appels à l’unité nationale (Soomalinimo), ont été accueillis favorablement et ont conduit à une réglementation qui rend obligatoire toutes les communications officielles du gouvernement en langue somalienne. Nous avons été impressionnés par la récente déclaration de l’ambassadeur de Somalie à l’ONU qui affirmait que les Somaliens dirigent les affaires somaliennes. Après ces beaux discours, comment privilégier un « Blanc »?
Source :Â African Executive via fdesouche
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