Une miche au levain sertie d’un ruban tricolore : le « pain des Poilus », réplique fidèle de celui distribué aux soldats français pendant la Première Guerre mondiale, sort des fours d’une boulangerie à Sedan, un siècle après un conflit qui a durement touché les Ardennes.
« Quand je romps le pain, je me dis que le soldat sentait ça, cette odeur de levain », songe Christophe Guénard, veste blanche et cheveux gominés, dans sa boulangerie du centre-ville où trônent deux mannequins de Poilus en tenues d’époque.
La boule de pain blanc, à la croûte dorée et à la mie généreuse, pèse 1,2 kg et se compose d’une « farine sans améliorant et sans levure », explique ce volubile boulanger de 46 ans, qui la commercialise depuis trois mois.
C’est en voulant fabriquer « un vrai levain, à partir de zéro » que ses recherches l’ont mené au « pain de la guerre » de 14-18, alors fabriqué par des boulangers réquisitionnés pour produire cet aliment essentiel au soldat, retrace-t-il, penché sur des archives de l’époque qu’il a chinées à Paris.
« Le gros du repas, c’était ça : la moitié le matin, l’autre moitié le soir. Ça tient au corps », ajoute-t-il.
Pour obtenir sa pâte naturelle, le boulanger fait d’abord macérer du raisin sec dans l’eau pendant dix jours, un liquide qu’il mélange ensuite avec de la farine blanche, opérant plusieurs rafraîchissements pour nourrir le levain.
Entourés de rubans tricolores, 120 pains des Poilus sont vendus chaque semaine à 12,50 euros la pièce, et certains clients repartent parfois avec la musette assortie, elle aussi fabriquée localement, à l’identique de celle que les soldats transportaient jusque dans les tranchées.
« Chaque jour, quand je fais ce pain, je me dis on faisait pareil pendant la guerre« , confie Jérôme Pirois, les mains farineuses malaxant une boule de pâte, avant un passage au four à 250°C pendant 35 minutes.
L’ouvrier boulanger s’active à la préparation d’une soixantaine de miches pour le lendemain : « C’est une autre façon de travailler le pain. Quand le patron m’en a parlé, je me suis renseigné. Il y a une histoire derrière. »
« C’est une idée géniale, c’est ce type d’initiative populaire qu’il faut prendre et à laquelle les gens adhèrent », se réjouit auprès de l’AFP Serge Barcellini, contrôleur général des Armées et président du Souvenir français, qui s’est déplacé à Sedan.
Une partie du chiffre d’affaires issue des ventes du pain des Poilus (0,8 %) sera reversée au Souvenir français, une association qui entretient la mémoire des soldats morts pour la France.
Les commémorations du Centenaire touchant à leur fin cette année, « le risque c’est que la mémoire de 14-18 s’écroule avec des conséquences mémorielles et des conséquences économiques dans les régions du front », estime-t-il.
Mais « entrer dans une boulangerie et avoir un souvenir direct et authentique » du conflit alimente l’intérêt de la population pour cette période, ajoute-t-il.
La boulangerie souhaite désormais transmettre sa recette à d’autres artisans et la faire voyager hors du département, marqué par la bataille des Ardennes en août 1914, pour « faire vivre le produit », s’enthousiasme M. Guénard.
Trois restaurants du département proposent déjà le pain des Poilus à leur carte, une manière originale d’accompagner le menu avec une tranche d’Histoire.
En savoir plus sur Notre Quotidien
Subscribe to get the latest posts sent to your email.