Ceci est la traduction d’une interview de 2014.
Il fut un temps, dans les années 80 et 90, où les stations de radio et la chaîne de télévision MTV étaient de très bons médias pour découvrir de nouvelles musiques. Mais de nos jours, il m’arrive de trouver mes artistes préférés à travers les bandes son de films. Ce fut le cas pour Wardruna, un projet musical norvégien créé par Einar “Kvitrafn” Selvik.
Selvik, ancien batteur du groupe de Black Metal Gorgoroth, a créé le projet en 2003 pour poursuivre sa passion pour la spiritualité nordique. Profondément influencé par les runes du vieux Futhark, le plus vieil alphabet runique du monde, il a commencé à travailler avec Gaahl (a.k.a Kristian Espedal), l’ancien présentateur de Gorgoroth et la chanteuse Lindy Fay Hella pour fabriquer une musique épique et d’ambiance qui prend ses racines dans le folklore ancien.
Leur second album, Yggdrasil (nommé d’après l’arbre qui connecte les neuf mondes dans la mythologie nordique), est sorti en Mars 2013. Mais ce n’est que lorsque la musique de Wardruna a été mise en avant dans la série télévisée Vikings que le groupe a commencé à buzzer. Les producteurs ont contacté Selvik directement, lui demandant de collaborer avec le compositeur Trevor Morris (Les Borgias) sur la bande son de la saison 2 de Vikings.
Après avoir suivi Selvik via son site internet, nous avons été ravis d’avoir la chance de lui parler de son intérêt pour la mythologie nordique, les défis que représentent la création de ses propres reproductions d’anciens instruments, et comment son succès avec Vikings va impacter le 3e album de Wardruna, qu’il espère sortir l’année prochaine.
Quelle a été votre source d’inspiration pour avoir voulu faire ce projet ?
Quand j’étais enfant, j’étais vraiment impressionné par l’Histoire et les histoires nordiques anciennes. C’était si différent de la façon monothéiste de voir le monde en noir et blanc, bien et mal. C’est beaucoup plus complexe.
Pendant mon adolescence, ma fascination pour l’ésotérique et le spirituel dans les vieilles traditions est devenue plus profonde. Mais il n’y avait personne pour interpréter ces choses musicalement. Je voulais essayer de faire quelque-chose, et je ressentais un besoin de faire quelque-chose qui signifiait quelque-chose pour moi.
J’ai fait le premier enregistrement de Wardruna en 2002-2003, et ça m’a pris 7 ans pour finir cet album à cause du processus entier d’apprentissage sur les instruments et les façons d’en obtenir.
Comment avez-vous trouvé ces instruments ?
Quand j’ai commencé à creuser les documents originaux, j’ai découvert les instruments que je devais me procurer. A ce moment, il y avait très peu de gens qui en faisaient ou en jouaient. J’ai dû à la fois trouver quelqu’un pour en construire, et en fabriquer moi-même. C’était long et pénible, mais très gratifiant.
Les instruments naturels sont différents de tous les autres types d’instruments avec lesquels j’ai travaillé. Ils sont vivants dans un sens, et ont leur propre volonté. J’ai fait des tambours à la méthode ancienne, je n’ai pas abattu l’animal, mais je l’ai écorché, j’ai tanné et découpé sa peau.
C’est un procédé très monotone et chronophage, mais c’est en fait franchement beau parce que vous ramenez lentement l’animal à la vie sous une nouvelle forme. Après ça, j’ai une façon de voir mes instruments plus personnelle, plus animiste.
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La musique de Wardruna est basée sur les runes du Vieux Futhark, le plus ancien alphabet runique connu. Comment ceci vous a-t-il inspiré ?
Il y a tellement d’idées fausses parce que nous avons très peu d’information sur le Vieux Futhark. Même les noms des runes sont fondés sur des reconstructions faites par un runologue dans les années 1800.
Le mot « Rune » possède différentes significations : ça peut désigner un système phonétique, tout comme des lettres écrites, un secret, un savoir, des compétences, une sagesse ésotérique, ou une chanson magique. Dans la tradition finlandaise de médecine populaire, les chansons magiques sont toujours appelées runes. Sachant que les secrets des runes étaient considérés comme étant le plus haut savoir qu’on puisse avoir. Donc c’est quelque-chose que j’aborde avec un grand respect.
Il y a 3 différents poèmes runiques — norvégien, islandais et anglo-saxon — et ils sont comme des proverbes ou des énigmes qui sont faits pour vous éduquer. Pour en faire l’interprétation musicale, mon concept créatif a été de les interpréter sur leurs propres prémisses.
Si je travaille avec la rune B, qui symbolise les arbres bouleaux, je sors dans la forêt et je joue sur des bouleaux. Si je travaille avec l’eau, j’utilise le son de l’eau, en me tenant au milieu d’une rivière tout en faisant toutes les paroles. L’idée est de capturer les endroits pertinents et de les intégrer dans la musique.
Est-ce que les fans de votre carrière dans le metal vous ont suivi dans cette aventure ?
Bien que j’aie un passé dans le métal, les groupes comme Gorgoroth étaient juste un job pour moi. Bien que ce soit une expression artistique très puissante, je ne pouvais mettre ma voix créative nulle part.
Quand j’ai commencé à jouer avec Gorgoroth et que j’ai commencé à connaître Kristian, nous avons trouvé un terrain commun en ce que nous étions tous les deux païens et très intéressés par nos propres racines et histoire. Quand j’ai commencé Wardruna, c’était une chose naturelle pour moi de l’y inclure. Depuis le tout début, il était le mec à qui je confiais mes idées. Nous avons créé le concept entier ensemble.
J’étais plutôt surpris de voir que tant de gens dans le monde du métal sont intéressés par Wardruna. Le succès a été écrasant.
Pourquoi pensez-vous qu’ils répondent avec autant d’enthousiasme à l’appel ?
J’ai fait ce projet de ma propre volonté. Tout le reste est un bonus. Quand le reste devient industrialisé, que ce soit dans l’industrie de la nourriture ou de la musique, le nourrissement disparaît.
Je pense que de plus en plus de gens veulent du nourrissement dans la musique. L’ancien Black Metal était avant tout dans l’intention derrière la musique, et la technique ou la qualité de son étaient secondaires. Aujourd’hui c’est plus basé sur la technique ou sur la qualité de votre son.
Mais la musique a la possibilité totalement unique de transporter une signification, si on ne l’exploite pas. La puissance du son, la puissance des mots, et le pouvoir de votre volonté et de votre voix sont des ingrédients-clés dans la tradition ésotérique nordique.
Comment vous êtes-vous retrouvé à faire la musique pour la série télévisée Vikings ?
Au début on était censés filmer ici en Norvège. J’ai essayé de les contacter parce que j’ai pensé qu’ils avaient besoin de certains de mes sons, mais je n’ai réussi à avoir personne. A peu près 3 ou 4 mois avant la diffusion de la première saison, nous avons été contactés par la production de Vikings, et ils voulaient avoir la licence de pas mal de notre musique. J’ai eu beaucoup de réactions positives à la musique. Quand ils ont commencé à travailler sur la seconde saison, ils ont voulu avoir plus de mes sons au cœur de la série. Donc ils m’ont demandé si je serais intéressé par travailler avec Trevor Morris, le principal compositeur des séries. On a rapidement trouvé du plaisir à travailler ensemble, et à voir les résultats de notre collaboration. Tout cela a été très instructif, et je suis vraiment reconnaissant de combien ma musique a bien été reçue.
Quel est le plan pour le troisième et dernier album de la trilogie ?
Le plan principal est de faire un bon enregistrement, que j’espère avoir pour le fin de 2015. C’est la seule chose qui importe, faire quelque-chose dont je suis fier. J’ai été vraiment strict dans ma recherche de l’adéquation avec ma vision originale, mais ça prend beaucoup de temps.
Réussir dans l’industrie de la musique, c’est d’abord faire de la bonne musique, et ensuite être écouté. Faire partie de Vikings est une opportunité majeure pour Wardruna d’enchanter de nouveaux auditeurs. Je crois que Wardruna est capable d’atteindre un public bien plus large, parce que, même si je travaille dans un emballage nordique, les thèmes sur lesquels je travaille sont universels.
Il s’agit de la relation de l’homme avec la nature, entre nous et à quelque-chose de plus grand que vous-même. Je pense que c’est quelque-chose que la plupart des gens comprennent. J’ai le sentiment que c’est juste le début.
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